« Quand une personne fait une expérience de travail en Thaïlande, peu importe sa durée, elle ne voit rien ou presque » : Ce sont les premiers mots que Giorgio m’a dits au téléphone juste après que je me suis présenté en lui expliquant avoir vécu là-bas pour une période. Son ton ne fait transparaître aucune supériorité, en revanche, il montre une personne consciente qui sait beaucoup mais pas trop, parce qu’il y a encore beaucoup à découvrir. C’est son point de départ : sa connaissance ne se base pas tant sur la quantité des années passées en Thaïlande – même s’il vit là-bas de 2013 (sa première fois en Thaïlande était en 1996 ) – que sur les années passées à découvrir la réalité en creusant dans la boue. Il m’explique peu après la raison de cela : un Occidental qui travaille en Thaïlande, il vit une vie pleine d’ avantages, normalement. La réalité se cache devant lui ou elle se manifeste au hasard, prenant les traits d’un mendiant qui demande l’aumône et part tout de suite.
A première vue, la Thaïlande ressemble à un petit paradis sur terre : c’est le pays du sourire, avec des plages sur des îles de rêve, une florissante nature très généreuse dans ses fruits, des températures douces pour toute l’année, du travail, et enfin, une population qui tend à être très disponible et accueillante envers les Occidentaux. Tout ça, c’est seulement la partie réelle et indéniable d’une des deux façades du médaillon. De l’autre, plus obscure, toutes les contradictions se manifestent et font de la Thaïlande aussi bien un pays à l’avant-garde et riche par rapport aux autres pays du sud-est asiatique qu’un pays qui doit faire encore du chemin en termes de bien-être de la population et des inégalités par rapport aux pays occidentaux. Bien que ce qui vient d’être dit soit vrai, il est également vrai, que nous parlons d’un pays sans une réelle démocratie, dans lequel la censure, la culture où la hiérarchie est très importante et le nationalisme très présent, elles ne facilitent pas le développement d’une pensée critique et donc une pleine émancipation des femmes ou la mobilité sociale.

L’emblème de ces contradictions et de ces incroyables inégalités est sûrement la ville de Pattaya, un véritable « pays des merveilles », du tourisme sexuel, où cohabitent les gratte-ciels luxurieux et des appartements avec vue sur mer et piscine sur le toit; des bidonvilles, des ferries pour la belle île de Koh Larn, des discothèques et une armée de 36.000 prostituées. C’est dans ce milieu que Giorgio vit et qu’il a fondé Take Care Kids, une association qui s’occupe d’accueillir et de donner abri et dignité à tous les enfants et toutes les femmes victimes de toutes sortes d’abus.
C’est avec Giorgio que j’ai eu le plaisir de parler de l’association, de la Thaïlande et de Pattaya, en découvrant des choses que même moi, bien qu’ayant eu l’occasion de vivre dans ce pays pendant près d’un an, en contact étroit avec mes collègues et amis thaïlandais, ne savait pas.
- Tout d’abord : qui est et qui était Giorgio ?
Giorgio était un journaliste passionné de voyages : voyages d’affaires ou loisirs à la recherche de quelque chose de plus intime qu’une simple photo à mettre dans son propre carnet de souvenirs.
- Un journaliste qui quitte son emploi pour fonder et se consacrer à une association de ce genre à l’autre bout du monde, ce n’est pas une chose dont on entend parler tous les jours. Pourquoi as- tu fait ce choix?
Malheureusement, vous n’êtes pas les premiers et vous ne serez pas les derniers à me demander pourquoi je me suis lancé dans cette aventure. Je pense que chaque Être Humain (ndlr. les majuscules sont le choix de Giorgio) a le devoir moral, sinon matériel, d’aider qui vit pire que lui. C’est pour cela que je continue à penser que je ne suis pas en train de faire quelque chose de spécial. C’est ainsi que Take Care Kids est née, d’abord en Italie en tant qu’organisation à but non lucratif en 2006, et puis sous le nom de Take Care Kids Foundation Thailand en 2010, reconnue formellement par le Ministère des Politiques Sociales du Règne de Thaïlande.

- Take Care Kids : Vous prenez soin des enfants, mais qui sont ces enfants ?
A Pattaya, il y a de nombreux bidonvilles faits de cabanes en bois et en tôle, que ça soit à l’extérieur ou à l’intérieur de la ville. Ces bidonvilles ne sont pas aussi interminables que ceux des villes d’Afrique ou d’Inde, mais ils partagent le même désespoir. Ils sont divisées par nationalité : les Thaïlandais d’un côté, puis les Birmans, les Cambodgiens et les Vietnamiens tous ensemble, de l’autre côté. Les cabanes thaïlandaises sont habitées par de pauvres locaux, des gens qui se sont réfugiés dans l’alcool et la drogue en survivant, parfois, de la petite délinquance. En revanche, les cabanes habitées par différents groupes ethniques ont été créées, surtout, comme des camps de travail pour les étrangers. En pratique, tous ceux qui sont employés dans l’édification de bâtiments, de gratte-ciels, vivent là.
Dans ce contexte, le problème le plus inquiétant concerne les enfants qui y vivent : ils n’ont pas accès aux écoles publiques, ils accompagnent souvent les adultes au travail et sont aussi victimes d’accidents au chantier, parfois mortels. Si les enfants restent toujours dans le camp, ils deviennent des proies faciles de « chasseurs des enfants » qui connaissent très bien la réalité qui les entourent. Ces enfants sont exploités pour demander l’aumône aux bords de la route, quand les plus âgés (3-4 ans), sont utilisés pour vendre des bonbons, des fleurs etc… dans les bars de Pattaya, la nuit.

La vie dans le Foyer d’accueil de Take Care Kids à Pattaya en Thaïlande

- Qu’est –ce que Take Care Kids- fait-elle précisément ?
Tout d’abord, Take Care Kids fonctionne avec son Foyer d’accueil dans lequel on compte quatorze enfants, avec une femme et son fils malade. Une fois dans notre établissement, l’enfant, après une période d’acclimatation évidente, commence à aller à l’école et essaie surtout de retrouver la confiance perdue dans l’Être Humain Adulte.
En outre, nous collaborons avec les hôpitaux locaux pour tenter de soulager les souffrances des enfants qui sont entre la vie et la mort, à cause de violences qu’ils ont subi ou de maladies. Même si un enfant est condamné, nous l’aidons à mourir avec dignité et amour.
En plus de cela, nous donnons aussi notre aide aux femmes célibataires, en grand besoin, pour envoyer leurs enfants à l’école : en effet, aller à l’école veut dire, avant tout, ne pas être à la rue, où ils sont les proies potentielles de mille dangers.
Enfin, nous nous rendons dans les cabanes sous le prétexte d’apporter des vêtements et du matériel usagé pour tenir un registre des enfants qui y vivent. C’est surtout un moyen pour contrôler leur état de santé.
- Comment ces enfants font –ils partie de votre famille ?
Dans la plupart des cas, les services sociaux locaux nous confient les enfants. D’autres fois, en revanche, il arrive que nous les retrouvions nous-mêmes, ou souvent, c’est Woman and Child Protection, une unité spéciale de police, qui nous les confie.
- Tu m’as bien dit que Take Care Kids existe depuis 2006 et en Thaïlande depuis 2010. Comment faites-vous pour soutenir l’association ?
Je tiens à préciser que toutes les donations de toute importance ont le goût et l’odeur de la Vie, aussi bien celles en espèce que celles en nature. C’est fondamental pour nous afin d’avancer dans notre aventure. Nous ne disposons ni de sponsors importants ni de grandes entreprises. Nous pouvons compter sur le soutien de plusieurs personnes qui nous ont suivi depuis longtemps, ayant compris et vu tout ce que nous faisons. Ils nous font confiance, ils nous aident. Tous nos soutiens sont, avec le travail extraordinaire de nos volontaires en Italie et en Thaïlande, le cœur battant de Take Care Kids. C’est grâce à eux, si nous arrivons à soutenir l’association et ses projets. C’est grâce à chacun d’eux si aujourd’hui nous y sommes encore.

Nos projets ont un coût de 50.000 euros annuels qui comprennent vraiment tout ce que nous faisons et que j’ai déjà expliqué auparavant. Chaque donation fait la différence pour nous, même un cadeau comme un poulet pour donner à manger à nos enfants. (Cliquez ici pour lire l’interview faite à Laura pour savoir comme il en faut peu pour faire la différence).
- L’argent des donations, comment–est il géré?
Mois par mois, nous cherchons à le gérer, mais il passe toujours quelque chose que nous y faire retourner au départ. Maria travaille avec moi, c’est une femme brillante, qui s’est consacrée depuis longtemps à notre cause, avec conviction. Ensemble, nous avons pu surmonter des tempêtes et, en même temps, nous savons bien que d’autres nous attendent. En tout cas, il faut dire qu’ensemble nous sommes forts. Et l’argent ? Je dis toujours que peu importe la quantité d’argent que nous avons à disposition, mais comment nous le dépensons. Nous avons un grand respect pour cet argent donné avec confiance. Pour cette raison, nous faisons beaucoup d’attention à l’employer parce que c’est le fruit de tous ceux qui se lèvent le matin pour aller travailler et pour faire figurer les comptes à la fin du mois.
Si vous souhaitez faire un don de quelconque quantité en faveur de l’association, sachez que la page web de Take Care Kids (voir le lien) donne la possibilité de faire des dons à la fois par virements (l’association a aussi un compte bancaire en Italie) et par PayPal.
