Tensions et extrémisme, l’Italie blessée après Macerata

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Michele Corio

Michele Corio

Filippo Paggiarin

Filippo Paggiarin

Le titre mentionne la mauvaise nouvelle du cruel assassinat de Pamela. Les dynamiques ne sont pas très claires, mais paraît-il que le vendeur de drogue nigérien Innocent Oseghale, le même qui lui a fourni l’héroïne, l’ait tuée et découpée avant d’essayer de cacher le cadavre, aidés par des complices. Luca a le journal dans les mains, il pose son demi verre de bière et se tourne vers Matteo, assis à la table du café avec salle slot-machines où l’on se retrouve chaque soir après le travail – pour ceux qui en ont un – ou à 18h30 – pour ceux qui n’en ont pas.

« Putain ! T’as vu qu’est-ce qu’ils lui ont fait, ces genre d’animaux ?! »

Manifestations des partis néofascistes


« Luca… c’était une fille droguée » lui répond Matteo
«  Mais oui, elle était droguée à cause de cette merde là qu’ils lui vendent, ces nègres merdiques… chez eux, ils ne vont pas les faire ces genre de choses »
« Et qu’est-ce que tu voudrais faire ? Les renvoyer tous chez eux ? Bonne chance… »
« Mais oui, mais tant qu’au gouvernement il y aura des putains de communistes-donneurs-de-leçon on ne pourra rien faire dans ce Pays. Et en attendant ces gens viennent ici, refourguent, font leurs choses, glandent dans les parc avec leurs portables .. Et nous ? Nous n’avons pas de travail, mais il nous faut payer pour eux »
«  Eh.. qu’est-ce que tu voudrais faire ? … dans peu de temps il y a les élections, peut-être que quelque chose va changer »
« Je le sais, moi, ce que je veux faire »

Traini arrêté après l’attentat de Macerata.

Il est probable que ce dialogue n’ait jamais eu réellement eu lieu pendant la soirée précédente le geste fou de Luca Traini, le garçon de 28 ans qui a tiré parmi un groupe d’immigrants le 3 février à Macerata (Marche, Italie). Après avoir tiré 30 fois, il est allé où le corps de Pamela avait été retrouvé et il a laissé là-bas une image de Mussolini avant de se déplacer encore une fois pour se diriger vers la place de la ville et se mettre le drapeau de l’Italie sur les épaules, regardé par toutes les personnes présentes. C’est à ce moment-là que la police l’a arrêté, exactement au moment où il était en train de faire le salut fasciste.

Ce geste terrifiant contient de nombreuses problématiques de la société italienne contemporaine. Macerata est une ville universitaire au centre Italie et, comme dans beaucoup d’autres endroits du Pays, elle a souffert à cause de la crise qui a laissé beaucoup de gens sans travail, sans permettre aux plus jeunes d’en trouver un. Il arrive très fréquemment dans les cas semblables à celui-ci qu’une partie de la population adresse aux immigrants leur colère et les causes des problèmes sociaux et professionnels, en le blâmant pour la situation. Cette colère est un cadeau pour les factions d’extrême droite qui semblent être prêtes à gagner les votes en recevant un résultat inattendu et de haut poids politique aux prochaines élections du 4 mars 2018.

Heureusement, les victimes de l’agression de Traini ont survécu, mais cela ne réduit pas la gravité de l’attentat. Condamner les deux faits – l’assassinat commis par les hommes nigériens et l’attentat commis par Luca Traini – devrait être naturel. Pourtant, ce n’est pas le cas.

Macerata a été troublée par deux tragédies dans peu d’heures et, malheureusement, la tempête semble loin d’être terminée. En Italie, le fascisme a été formellement défait en 1945, mais le conflit sous-jacent entre l’extrême droite et les autres parties politiques semble avoir trouvé son champ de bataille à Macerata. Les politiciens italiens connaissent tout cela et ils paraissent impatients d’avoir la chance de gagner des votes plutôt que de se soigner de la ville.

On a déjà dit que probablement le dialogue précédent n’a jamais eu lieu réellement et cependant – il est important de le spécifier – des dialogues pareils continuent à avoir lieu chaque jour dans chaque café d’Italie. Dans la vie réelle du Pays, certains refrains comme « épuration » ou comme « quand il y avait lui » (référé à Benito Mussolini, le dictateur fasciste italien sur lequel pleurent ceux qui utilisent cette phrase) sont répétés quotidiennement. Pour comprendre la mesure de cette folie collective, on peut considérer le nombre de groupes Facebook qui soutiennent, louent et célèbrent Mussolini et, après, Traini aussi. Dans les jours suivants, non seulement les parties politiques d’extrême droite mais aussi des citoyens privés se ont proposé de payer les frais judiciaires de Traini, et le Mein Kampf – qu’on a trouvé dans sa chambre – a augmenté sa vente au 1000% sur Amazon Italie. La droite politique ne fait rien pour arrêter cet opprobre. Les plus bienveillants disent seulement : « Traini n’aurait pas dû arriver à un tel point ».

Est-ce que tout le monde est prêt à répéter le geste, à prendre une arme et à tirer ?
Non. La majorité parmi ceux qui se disent fascistes et qui écrivent des posts racistes sur Facebook éprouvent honte lorsque quelqu’un leur demande de rendre compte de leurs affirmations. Il est bien plus facile d’écrire des bêtises quand on est seul face à l’ordinateur, caché par un clavier, un écran et parfois aussi par l’anonymat, plutôt que de traduire les mots en action. En tout cas, certains politiciens sont prêt à profiter de ces gens en condamnant la politique d’accueil et les immigrants plutôt que le geste violent et injustifiable. Ils savent bien qu’un attentat comme celui de Macerata ne sera pas aisément imité par d’autres « héros de la Patrie » et pour cela ils semblent n’avoir aucun problème à prendre le risque. Ils ont simplement trouvé l’opportunité d’attraper des votes en stimulant la haine vers d’autres factions politiques qui sont accusées d’être trop douces à propos de la politique d’immigration. Ainsi, ils savent qu’ils vont donner une justification à ceux sentiments outrageux, en encourageant, par conséquence, tous ceux qui les éprouvent à les ressentir de manière encore plus forte et à voter pour eux pendant les prochaines élections du 4 mars 2018.

De cette façon la colère et la haine raciale croissantes, accompagnées par les inquiétantes, et de plus en plus répandues, reconstitution nostalgiques néofascistes et néonazies, ont débarqué violemment au milieu de campagne électorale : un tissu social fragmentaire a été ainsi dévoilé et il a mis en lumière les dangers sérieux pour la sécurité du Pays. La situation est évidemment délicate et cependant l’opportunisme politique a fait son jeu en outrepassant les limites de la décence, en défendant ce qui ne peut pas être défendu et, dans certains cas, en arrivant à justifier complétement l’attentat de Traini lequel – il faut le dire – n’avait rien à voir avec l’assassinat de Pamela. Il s’en est pris avec des gens innocents seulement pour le fait que leur peau était noire, en négligeant totalement que la citoyenneté ne dépend pas de la couleur de peau et que cette dernière n’est pas une assurance de valeurs éthiques et morales.
En tout cas, notre discours ne concerne pas seulement les factions d’extrême droite : d’autres politiciens importants – toujours de droite mais considérés se situer au centre-droite – comme Matteo Salvini (Lega Nord, droite) et Silvio Berlusconi (Forza Italia, centre-droite) sont parmi eux.

Meloni, Berlusconi e Salvini, les trois candidats de la droit aux élections du 4 mars.

 

De plus, malgré la situation délicate, on a continué à alimenter la haine en ne tenant pas compte de la requête du maire de Macerata qui demandait de ne pas manifester pour calmer les esprits.

 

Manifestations antifascistes.

Il est vrai aussi que Macerata n’est pas une ville fasciste et qu’il y a eu des manifestations antifascistes et pacifiques, toutefois une opposition forte à ce genre de gestes est nécessaire. Le péril est enraciné dans notre Pays : il faut en avoir conscience et agir en conséquence sans ne plus mettre péril la démocratie pour le seul but de gagner des votes. Il est temps de tirer les leçons de ce qui s’est passé à Macerata et de s’occuper de cette ville blessée.
La condamnation des faits de Macerata doit être firme et forte, elle doit partir des institutions et elle doit être supporté par toutes les factions politiques, car aucune d’entre elles ne peut faire partie de la scène démocratique ni se dire liée aux valeurs de notre constitution sans condamner ces évènements. Il ne s’agit pas de préserver la gauche politique ou le gouvernement, au contraire il s’agit de notre démocratie et de notre liberté mises en danger.

A la fin, ce sur quoi il n’y a pas de doutes est la nécessité d’amélioration du système d’accueil qui reste un véritable problème car son mauvais fonctionnement – Macerata docet – nourrit l’autre problème urgent et alarmant : celui du racisme et du fascisme, périls pour la fondation de notre société démocratique.

Traduction de Livia Corbelli

Article de Filippo Paggiarin et Michele Corio

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